Netflix s’est attiré de nombreuses critiques de ses abonnés et des professionnels du sous-titrage pour ses traductions approximatives.
Fautes de frappe, contresens, intégration bâclée, mauvaise synchronisation, raccourcis… Les reproches sont nombreux pour une plateforme qui dit travailler avec “les meilleurs traducteurs à travers le monde”.
Des erreurs et approximations qui sont directement causées par la façon dont la plateforme gère ses traducteurs.
#TraduisCommeNetflix
Au point de voir émerger un hashtag pour dénoncer (et souvent rire) des traductions made in Netflix, à la manière féroce de Twitter.
Et ce ne sont pas seulement des professionnels aguerris qui dénoncent la qualité des traductions Netflix : il suffit de parcourir Twitter pour s’en rendre compte.
Roma : le fiasco d’un chef-d’oeuvre
C’est ce film, au demeurant magnifique et salué à la fois par la critique et les spectateurs, qui a été le véritable déclencheur de cette affaire. Non pas que ses traductions aient été particulièrement mauvaises : c’est surtout le décalage entre la qualité du film d’Alfonso Cuarón, et celle de ses sous-titres qui a choqué. Au point que l’ATAA, Association des Traducteurs / Adaptateurs de d’Audiovisuel, s’est fendu d’un article détaillant toutes les erreurs dans Roma en Français et parle de catastrophe industrielle.
Heisenberg : « You’re goddamn right. »
— Monsieur B (@trucsenserie) 18 novembre 2018
Sous-titres : « Dans le mille Émile. »#TraduisCommeNetflix pic.twitter.com/7beOnMYlf6
Netflix investit 25 millions de dollars dans la promotion de Roma,
mais ne juge pas utile de faire appel à un traducteur professionnel pour vérifier les sous-titres ?
Ou comment une économie toute relative débouche sur un bad buzz…
Je resterais toujours subjugué par cette traduction #TraduisCommeNetflix pic.twitter.com/SIEQpaYm46
— g (@jacklepirat) 19 novembre 2018
Sous-titrage : l’échec de la stratégie du low-cost
On se représente mieux l’ampleur du fiasco quand Alfonso Cuarón lui-même a désavoué les sous-titres en Castillan, langue dans lequel le film a pourtant été tourné. C’est d’autant plus gênant pour un film qui devait marquer en grande pompe l’entrée de Netflix dans le club des producteurs de films d’auteur oscarisés. C’est toute la stratégie de géant américain qui se voit remise en question.
Le système Netflix
Depuis 2017, Netflix a lancé une plateforme contributive qui permet à des traducteurs freelances, professionnels ou amateurs, de traduire les films et séries de leur choix.
Dans les faits, l’impératif de Netflix est la quantité plus que la qualité : la plateforme met la pression à des traducteurs en concurrence les uns avec les autres pour faire au plus vite et au moins cher.
Brouillant la frontière entre traduction professionnelle et fan-subbing, Netflix propose des rémunérations (basses) à la minute de film traduit, à toute personne ayant passé un test d’entrée basé sur la langue et surtout la rapidité.
Conséquence : un film plutôt “bavard” comme Roma est moins rentable pour un traducteur qu’un film contenant moins de lignes de dialogue. Pour compenser, il faut donc aller vite… Quitte à laisser de côté la qualité de la traduction. Le problème ne vient donc pas des traducteurs mais bien du système mis en place par Netflix.
Le sous-titrage est l’une de nos activités, nous sommes donc bien placés pour connaître les impératifs techniques et l’importance des procédures de vérification !